La saison des vendanges au vignoble Le Cep d’Argent
Situé à une quinzaine de minutes de route du Bistro 4 Saisons se trouve le deuxième plus vieux vignoble du Québec avec encore ses propriétaires d’origine à sa tête. D’ailleurs, ceux qui se sont déjà attablés chez nous connaissent certainement le vignoble, comme il figure sur notre carte des vins. On vous présente Le Cep d’Argent, vignoble magogois spécialisé en mousseux québécois.
Jean-Paul Scieur, fondateur et copropriétaire du vignoble Le Cep d’Argent, répond à toutes nos questions à propos de cette institution de la région, de la saison des vendanges et de la consommation de mousseux au Québec.
Comment s’annonce le prochain millésime?

Cet été, il a fait très chaud. Les raisins ont le sourire… et le vigneron aussi!
Lorsqu’on regarde le bassin méditerranéen, là où on produit de très bons vins, les étés sont chauds. En 1976, il y a eu une sécheresse de cinq mois sans eau et ce fut l’une de plus belles récoltes en Champagne! Le système racinaire de la vigne est si profond : avant qu’elle ne commence à baisser de la tête, les pelouses vont être bien jaunes!
Et la saison 2025 fut-elle bonne au niveau touristique?
Le côté géopolitique a fait qu’on a reçu moins d’Américains qu’à l’habitude, mais nous avons eu plus de Canadiens anglophones. Ça compense largement! Et les Québécois sont toujours au rendez-vous.
Vous avez une grande expertise en mousseux de type champagne, comme votre frère, et vous êtes des vignerons de sixième génération avec des racines champenoises. À votre avis, comment se distingue le mousseux québécois des autres bulles?

Faire des bulles, c’est dans notre ADN. Oui, on a immigré ici, on a changé de pays, mais on voulait quand même faire des bulles!
À part la température hivernale qui est plus froide ici à Magog qu’en Champagne, les autres saisons sont sensiblement les mêmes au niveau météo. On peut donc faire du bon mousseux québécois sans problème.
Avec mon frère, on a décidé de miser sur le seyval blanc, un cépage qui était cultivé en Champagne auparavant. Ce qui est intéressant, c’est qu’il n’a besoin que de 150 jours d’ensoleillement pour murir. Les 10 000 plants de vignes plantés en 1985, lorsqu’on a démarré le Cep d’Argent, c’était ça!
Il faut dire qu’on ne peut pas appeler ça du champagne, mais plutôt du mousseux de méthode traditionnelle. Pour faire du bon mousseux, il faut avoir une certaine acidité dans le vin; c’est ce qui va favoriser l’émulsion de la bulle en bouche. Et au Québec, le terroir et la météo favorisent ça, c’est donc un avantage! On a vraiment les conditions gagnantes de ce côté-là.
Pour développer le côté pain brioché typique du champagne, il faut laisser le vin en contact avec les levures pendant un minimum de 15 mois après la vinification. Nous, on le fait 24 mois!
Au Québec, aime-t-on les vins mousseux? Les garde-t-on encore trop souvent pour les grandes occasions?
C’est démocratisé! D’ailleurs, c’est le gros combat que la Champagne va avoir, contrairement à nous au Québec. Il faut désaisonnaliser la consommation de champagne, ne pas réserver ça qu’aux fêtes ou aux célébrations.
De notre côté, on vend quand même entre 20 000 et 25 000 bouteilles de mousseux par année. Notre mousseux coûte moins cher qu’un champagne, c’est plus accessible. Il reste qu’on vend moins de mousseux que de vins blancs.
Les vendanges approchent. Comment est-ce que cela se passe chez vous?

En 1991, on a été les premiers au Québec à ouvrir notre champ pour que les gens viennent cueillir le raisin. Pas pour le rapporter à la maison, mais le cueillir pour nous! Ils venaient vivre une expérience. L’année suivante, on a été victimes de notre succès : il y avait tellement de monde!
On a donc demandé à la ville de Magog de nous aider à gérer cette célébration des vendanges et on a créé la Fête des vendanges Magog-Orford : un gros marché public 100 % québécois avec des vues imprenables sur le lac Memphrémagog et le mont Orford. D’ailleurs, j’en suis toujours le président fondateur et ce sera la 32e édition cette année!
Est-ce possible de visiter le vignoble?

Nous sommes ouverts 7 jours sur 7, de la mi-juin à la fin octobre. Ensuite, on fait aussi des visites guidées en individuel. Et les autobus de touristes, on en reçoit toute l’année, parfois jusqu’à 200 par an!
On offre plusieurs expériences, de la dégustation à la carte—vous achetez des coupons de dégustation pour découvrir, selon vos envies, l’un ou l’autre de nos 13 produits (vins blancs, rouges, rosés, mousseux, vin fortifié, vendange tardive et vin de glace)—jusqu’à la visite de la cave avec le sommelier ou le sabrage dans les vignes.
Ce qui a été super populaire cette année, c’est notre nouveauté, Accords Parfaits. On propose une planche de dégustation avec des produits locaux et nos vins : croustilles, des fromages de l’abbaye Saint-Benoît-du-Lac, pâté des Ducs de Montrichard, un chocolat suisse…
Sentez-vous un engouement particulier pour les vins québécois?
On maîtrise de mieux en mieux les vins au Québec et on sent que la population, les plus jeunes surtout, a une conscience de consommation socioéconomique plus nationaliste, plus locale.
Il y a très certainement eu un développement du goût pour les vins du Québec. De leur côté, les vignobles ont apprivoisé nos cépages hybrides et savent les travailler. On fait de meilleur vin qu’avant. Est-ce qu’on aimerait que l’engouement soit encore plus fort? Oui, bien sûr!
Quelle est votre relation avec les restaurateurs locaux, comme le Bistro 4 Saisons, par exemple?
Je connais très bien le directeur Thierry Navette, et aussi Michael Otaka, l’ancien sommelier du Bistro (maintenant au Bistro Kóz) d’ailleurs. On met aussi en place des forfaits avec les hôtels du Groupe PAL+, et c’est toujours super!
Évidemment, plus nous avons de vins sur une carte à boire, mieux c’est! De mon côté, lorsque les visiteurs me demandent de bons endroits où aller manger dans la région, je les renvoie vers ces établissements. C’est une belle collaboration qu’on peut toujours développer!